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vendredi 24 juin 2022

Le consensus c’est dur, pas mou !

(c) Marcelo Schneider/WCC

« Le Conseil œcuménique des Églises est une communauté fraternelle d’Églises qui (…) s'efforcent de répondre ensemble à leur commune vocation (…) », énonce la « base » du COE dans sa formulation de 1961 toujours en vigueur. Le mot important ici est : ensemble. Aucune des Églises n’a en effet besoin d’être membre du Conseil œcuménique pour répondre à sa vocation, dans son contexte et avec ses ressources propres. En revanche, si 352 Églises, à ce jour, ont choisi de rejoindre ce Conseil, c’est parce qu’elles ont décidé « d’être et de demeurer ensemble » comme le disaient les fondateurs de 1948.

Ce qui pourrait n’être qu’un élan plein de bons sentiments devient ainsi un redoutable défi lorsqu’il s’agit de le vivre concrètement et de ne le lâcher sous aucun prétexte. Car comment demeurer ensemble, lorsque presque tout semble vous séparer ? Les différences, voire les fractures, entre Eglises existent bien en amont des classiques grands débats théologiques et ecclésiologiques. Elles relèvent, pour ne donner que quelques exemples, des simples conditions de survie : le Tuvalu lentement submergé par l’océan va devoir importer son eau potable et le représentant de l’Eglise chrétienne (réformée) du Tuvalu se scandalise de l’inertie occidentale. De l’anthropologie : l’évolution des notions de genre dans certaines cultures est proprement incompréhensible dans d’autres. De l’autorité : ici un délégué ne saurait prendre la parole sans l’aval de sa hiérarchie, là un délégué ne saurait se soumettre à un mandat impératif. De la référence aux Ecritures : pour les uns, le pluralisme moral est une attaque directe contre la Bible car « tout est déjà dans les Écritures », quand, pour les autres, les Écritures ne sauraient être respectées sans démarche herméneutique critique. Et tout ce petit monde est composé d’aussi « bons » (ou « mauvais », au choix) chrétiens que vous et moi, de gens cultivés et engagés, de professeurs d’universités et de personnes aux responsabilités multiples, tous sûrs de leur fait et de bonne foi !

L’ethos du consensus

Pour permettre à ses Églises membres de demeurer ensemble, le Conseil œcuménique a progressivement mis au point une méthode de travail et de prise par décision dite « par consensus ». Plus profondément qu’un ensemble de simples dispositions procédurales, il s’agit d’un véritable ethos, d’un état d’esprit qui marque l’ensemble de la vie du COE.

Ce choix fondamental se concrétise notamment dans la manière de mener et de conclure les débats, quel que soit le type de réunion. Au fil des échanges, les personnes présentes réagissent aux propos des intervenants en montrant spontanément un carton orange (je suis « chaud » avec ce que dit l’intervenant, je partage son point de vue ou je l’encourage) ou un carton bleu (je suis « froid » avec ce que dit l’intervenant, je ne partage pas son point de vue ou j’ai des questions). La personne qui modère l’assemblée peut ainsi percevoir à tout instant la « température » de l’assemblée et sentir dans quel sens elle évolue. Au fil des échanges, une couleur devient dominante.

Lorsqu’il faut cristalliser une décision, qu’il s’agisse d’un amendement de détail ou d’un texte de fond, l’assemblée s’exprime sur le même mode. Tant que des cartons bleus demeurent, et même s’il n’en reste qu’un seul, le débat peut se poursuivre. Lorsqu’il semble que l’on a atteint un point au-delà duquel on n’avancera plus, la personne modératrice propose à la minorité que son point de vue soit enregistré et lui demande si elle accepte que l’on s’en tienne au consensus dégagé, afin que l’on puisse avancer au point suivant.

Une « soumission mutuelle » radicale

Bien des objections peuvent être formulées contre cette méthode. Et pourtant, ça marche ! Car au-delà de la réunion en cours, par imprégnation au long cours, elle modèle la manière même d’habiter les débats. Elle atténue le côté joute oratoire du débat, au profit de la recherche d’une évolution commune. Elle conduit les parties prenantes à exprimer de la manière la plus claire leurs meilleurs arguments. Elle est fondatrice de confiance, en garantissant le respect absolu de la singularité de chacun. Elle encourage par là même la prise de parole, l’écoute, la capacité à évoluer dans son point de vue sans craindre de perdre la face. Etc.

A l’opposé de toute mollesse et de toute facilité, elle est d’une exigence extrême. Elle développe la paix, la patience, la fidélité, la tempérance – et peut-être ce début de liste vous rappelle-t-il quelque chose. Ou bien encore, pour employer le vocabulaire de l’Église protestante unie de France, elle est une manière de réfléchir collectivement et de prendre des décisions « dans la soumission mutuelle », mais de façon radicale.

Un consensus à propos de l’Ukraine ?

Le comité central qui vient d’achever, à Genève, sa dernière réunion avant l’assemblée de Karlsruhe a une fois de plus éprouvé la difficulté mais aussi la fécondité de l’exercice. En cause : l’attitude du Patriarcat de Moscou à propos de la guerre d’invasion menée en Ukraine par la Russie. Dans la salle, des délégués porteurs de messages de leurs instances synodales demandant que soit envisagée une suspension du COE de l’Eglise orthodoxe russe, mais aussi des orthodoxes du Patriarcat œcuménique bouleversés par les déchirures induites par le conflit au sein de l’orthodoxie, et bien sûr la délégation russe : à l’ouverture des débats, l’ambiance était électrique.

Pourtant, la recherche de consensus a, difficilement mais patiemment, frayé une voix entre préjugés, analyses opposées, suspicions croisées, relectures historiques, etc. La déclaration finale dénonce « la guerre illégale et injustifiable » contre l’Ukraine, appelle les Églises russe et ukrainiennes à intervenir ensemble pour la paix y compris auprès de leurs propres gouvernements, encourage la mise en place d’un travail théologico-politique interne au COE, invite à l’assemblée de Karlsruhe l’Église ukrainienne qui est en train de se détacher du Patriarcat de Moscou, etc. Elle annonce l’envoi d’une délégation au plus haut niveau du COE à Kiev et à Moscou et renforce la présence humanitaire du COE sur le terrain – effective depuis le premier jour du conflit.

Aucune porte n’a claqué. Personne n’a été outragé. Tout le monde a évolué, du fait même de la rencontre, du dialogue et de l’importance accordée à la recherche du consensus. Une parole commune a été dite. Bien sûr, dira-t-on, ce ne sont que des mots, qui ne font pas taire les canons. Mais qui a mieux à proposer ? Dans quelle autre enceinte une vigoureuse parole de réconciliation est-elle actuellement portée ? Et les Églises disposent-elles d’autres armes que celles de l’esprit ?


Laurent Schlumberger

mardi 7 juin 2022

En route pour Karlsruhe

Assemblée de Busan, 2013, Peter Williams/COE

L’Assemblée du Conseil Œcuménique des Eglises (COE) se tiendra du 31 août au 8 septembre à Karlsruhe, en Allemagne. Cet événement est pour notre Église ce qui se rapproche le plus d'une expérience concrète de l’Église universelle. Vous trouverez sur ce blog des articles préparatoires, des témoignages des délégués français pendant l'événement et un bilan après.

Bruits de Guerre

Le thème de l'Assemblée "L'amour du Christ conduit le monde à la réconciliation et l'unité", déterminé depuis plusieurs années, résonne particulièrement depuis la réactivation du conflit armé en Ukraine. Lors d'une préparation européenne de l'assemblée, les 25-26 février, l’importance de la justice a été rappelée pour arriver à une réconciliation durable. La question se pose aujourd'hui de l'attitude à adopter envers l’Église orthodoxe - Patriarcat de Moscou, pour ne pas rompre le dialogue mais ne pas non plus accepter la justification théologico-politique de la violence.

D'autres lieux de réconciliation en Europe ont été mis en avant, par des témoignages sur la situation politique en Irlande du Nord et à Chypre, vis-à-vis des minorités ethniques en Norvège et au sein même de l’Église autour de la question de l’ordination des femmes en Pologne. Plus le rapport est fort entre l’Église et l’État, plus il nécessite une grande capacité de critique et d’autocritique de la part de l’Église, en ouvrant des espaces d’expression des voix dissidentes. 


Première assemblée en Europe depuis 1948

Assemblée d'Amsterdam, 1948 (c) COE

Les assemblées ayant lieu chaque fois sur un continent différent, l’accent est mis sur la spécificité de ce continent, en particulier lors d’une plénière. Après Amsterdam, assemblée fondatrice du COE en 1948 (assemblée fondatrice du COE), c’est la deuxième assemblée à se tenir sur le sol européen. Mais le contexte a fortement changé : d’une organisation pensée par et pour les Églises du « Nord », le COE est devenu une organisation où les Églises du Sud deviennent majoritaires. Dès lors, l’équilibre est délicat à trouver pour une assemblée qui prenne en compte le contexte européen tout en veillant à ne pas redevenir européo-centrée…

En Europe, l’Église n’est plus qu’une voix parmi d’autres. Mais elle continue à jouer un rôle essentiel, en particulier un rôle d’encouragement mutuel, ce qui est nécessaire dans des sociétés où les individus et groupes sont de plus en plus isolés. Les Églises en Europe, en tant que communautés, ne sont plus spectaculaires ; dans une société du spectacle, elles ont donc tendance à être invisibilisées et sont dépouillées de leur autorité traditionnelle. Mais elles gardent toute leur pertinence, par le rôle de créateur de liens qu’elles jouent, un lien marqué par la grâce de Dieu. Les Églises sont (appelées à être) des communautés de réconciliation. De plus, le mouvement de sécularisation se double aujourd’hui d’un mouvement de « dé-sécularisation », avec de plus en plus de personnes en recherche spirituelle.

Dans ce cadre, la pluralité peut être une occasion de témoignage. Elle est en effet une question eschatologique : le Royaume de Dieu est un royaume réconcilié, pas un royaume uniforme. Notre voix doit porter pour faire accepter la diversité. Cela commence par nous, par le besoin d’être agents et témoins de réconciliation (en nous-mêmes, avec Christ, envers les autres, etc.). La perte d’autorité dans l’espace public est une opportunité pour retravailler notre pertinence, pour être reconnus pour ce que nous faisons et disons. Pour cela, nous avons besoin de faire plus de place aux voix dissidentes, à la critique et à la consultation, en particulier des personnes issues de l’immigration.

Quelques chiffres

Il se prépare 4 pré-assemblées, 100 ateliers à thème, 23 conversations œcuméniques, l’accueil d’entre 1500 et 6000 participants suivant la situation sanitaire.

Nous y préparer

C’est la première fois que le mot « Amour » apparait dans un thème du COE. Durant la réunion, il a été souligné que la compassion est la clé herméneutique de l’amour du Christ. Le thème est christocentrique sans être exclusiviste. Il est tourné vers la mission. Aujourd’hui, les valeurs qui tendent vers l’unité sont devenues contre-culturelles.  

Des études bibliques sont proposées sur le thème, que je vous invite à utiliser dans votre Église locale, un livret d’introduction présente le thème et le contexte particulier de cette assemblée, et un livret de prières et de chants peut servir à préparer le culte du 4 septembre, pour inviter l’Église locale à s'associer spirituellement à l'événement. Les textes choisis pour les études bibliques et pour chaque jour de l’assemblée, sont des « ancres spirituelles » que l’on peut explorer en écho avec le thème, en les faisant résonner dans notre contexte local.

Claire Sixt Gateuille

(adapté d'un article publié sur le site de l'EPUdF début mars)

lundi 4 juin 2018

Pèlerinage pour la paix

(c) Albin Hillert/CEC
Dans quelques mois nous commémorerons, et même célèbrerons, la fin de la première guerre mondiale. Si la guerre se déclare, la paix elle doit se construire et chaque génération doit s’en faire l’artisan. En ce dimanche, avec les participants de la Conférence des Églises Européennes, nous avons voulu prendre notre part, symboliquement, par un « pèlerinage pour la paix ». Nous, baptistes ou évangéliques, ne sommes pas très habitués à ce mode de témoignage, à ce qui ressemble à une procession ! Mais la KEK, c’est aussi partager la spiritualité des autres chrétiens et être enrichi de leur manière de témoigner. Nous voilà donc, centaines de participants à l'Assemblée, en train de marcher ensemble le long du Danube en chantant des hymnes évoquant la paix, en priant pour celles et ceux qui aujourd’hui souffrent de la guerre. Nos prières montent ensemble pour nos frères et sœurs chrétiens mais plus largement nos frères et sœurs en humanité, particulièrement en Syrie ou en Ukraine. Nous marchons le long de ce fleuve qui traverse notre Europe, qui traverse les siècles. Nous voyons les ponts qui ont été ravagés, d’autres reconstruits. Et là je sens cette force, la force de l’espoir partagé !
 
(c) Albin Hillert/CEC
A la Conférence des Églises européennes, une immense diversité du christianisme est réunie, ceux qui nous sont familiers en France comme les réformés, les luthériens, les méthodistes et baptistes, les orthodoxes, les anglicans ou l’armée du salut mais aussi ceux que nous connaissons moins comme les vieux catholiques. Et tous ensemble, nous proclamons dans cette marche notre attachement à la paix, notre confiance en Dieu. Cela me rappelle d’autres marches, elles aussi non violentes, collectives de croyants, il y 50 ans aux Etats-Unis pour lutter contre la ségrégation raciale, autour du pasteur baptiste Martin Luther King. Notre contribution à la construction européenne en tant que chrétiens, en tant que représentants d’Eglises réunies dans cette assemblée de la CEC, c’est de rappeler qu’il y a plus que notre nationalité, il y a plus que nos peurs individuelles, nos besoins particuliers : il y a l’Eglise, celle qui dépasse mon étiquette confessionnelle, l’Eglise de notre Seigneur Jésus-Christ et qu’ensemble nous voulons être témoins d’espérance dans ce monde, artisans de paix.



Valérie Duval-Poujol

mardi 4 juillet 2017

Coréens du Nord et du Sud chantent ensemble

Parmi nous il y a une délégation de la Corée du Sud, et aussi de la Corée du Nord !
Plusieurs représentants des deux pays ont chanté ensemble cet après-midi pour la paix.




L’un des intervenants de Corée du Sud a exprimé le désir partagé des deux Corées pour l'unification. Malgré l'armistice qui existe depuis 1953, ceci est toujours un rêve et la situation semble plutôt s'aggraver. Le but de l'armistice était d'assurer une cessation complète des hostilités et de toutes les actions des forces armées, ce qui n'est toujours pas devenu réalité. La délégation souhaite que les sanctions internationales s'arrêtent et que les armes soient démantelées.

Ils appellent la CMER et tous les chrétiens à prier pour la paix et la réconciliation et à soutenir le processus de paix.

Étonnamment (ou pas), nous n'avons entendu aucune critique par rapport au région du Corée du Nord...
M.Voorwinden

jeudi 11 mai 2017

Jeudi 11 mai 2017

Aujourd’hui, la France et l’UEPAL ont été à l’honneur : Pascal a présidé la prière du matin, enrichi par des chants et des danses magnifiques, Patricia a interviewé le Dr Denis Mukwege, de la République Démocratique du Congo, principal intervenant de la plénière du matin. Celui-ci a livré un témoignage bouleversant de son travail de médecin protestant dans un pays en guerre : il soigne les femmes victimes de viols, souvent collectifs, utilisés comme des armes de guerre pour terroriser la population. Le courage exemplaire de cet homme, qui a créé une Fondation pour défendre la cause des femmes, a profondément ému l’assemblée.

Cette intervention venait en écho au rapport du secrétaire général, qui a beaucoup insisté sur le lien entre la foi chrétienne, la célébration des 500 ans de la Réforme et la nécessité de traduire ce message dans des actes de solidarité concrète et de diaconie. Il a rappelé notamment que le « World Service » de la FLM accompagnait actuellement 2,5 millions de réfugiés dans le monde !

Histoire vécue du jour : A l’entrée de la tente de prière se forme une longue queue due aux contrôles de sécurité extrêmement tatillons (les possesseurs d’appareils photo sont priés de faire une photo pour prouver qu’il ne s’agit pas d’une arme à feu…). Les seuls à être dispensés de la fouille à corps sont les évêques : ô cléricalisme, quand tu nous tiens…

Christian Albecker