vendredi 22 juin 2018

Un œcuménisme qui vaut le voyage – ou le chemin

(c) Albin Hillert/COE
À force de se plaindre ou de piaffer, on perd la mesure des avancées considérables de l’œcuménisme. En 1969, Paul VI fut le premier pape à rendre visite au siège du Conseil œcuménique des Églises. Parmi les toutes premières phrases de son discours, il prononça celle-ci : « Mon nom est Pierre. », avant de laisser passer un silence, afin que nul ne doute du sens de ce qu’il venait de dire et de la conception de l’œcuménisme qui sous-tendait cette affirmation abrupte.

Le pape François, lui, s’est présenté, au matin de ce 21 juin, « en pèlerin à la recherche de l’unité et de la paix ». Quel changement de ton ! Troisième Pontife à rencontrer le COE, après Paul VI donc et Jean-Paul II en 1984, il est le premier à faire de cette visite l’unique motif de son déplacement à Genève. Bien sûr, la journée a commencé avec quelques rendez-vous protocolaires inévitables et d’ailleurs fort brefs, et elle s’est achevée avec une messe. Mais c’est bien l’invitation lancée par le Conseil œcuménique des Églises à l’occasion de son soixante-dixième anniversaire, et elle seule, qui est à l’origine de l’événement, marqué par une prière commune le matin et un discours l’après-midi. Pour ce pape, l’œcuménisme ne mérite plus seulement un détour, il vaut le voyage – pour parler comme le Guide Michelin.

L’épisode s’inscrit dans une continuité. En 2015, François avait visité la communauté réformée de l’Église vaudoise de Turin, puis la paroisse luthérienne de Rome. En octobre 2017, à l’occasion des 500 ans de la Réforme, il s’était rendu à Lund, à l’invitation de la Fédération luthérienne mondiale. Sans compter, bien entendu, la rencontre de 2014 et d’autres contacts avec le primat orthodoxe Bartholomée, moins inhabituels. Ce pape a de la suite dans les idées. Il pose des actes comme autant de petits cailloux qui tracent un chemin.

C’est précisément de chemin qu’il a parlé dans la prédication qu’il a donnée le matin, dans la chapelle du Centre œcuménique (photo). Partant de l’épître aux Galates – les protestants apprécieront ce choix – il s’est arrêté à l’appel répété de l’apôtre Paul aux Galates à « marcher selon l’Esprit » (Gal 5, 16 et 25).
 
Le pape au Centre oecuménique de Genève (c) VaticanNews
L’homme est un être en chemin, en quête, a-t-il commencé. Et Dieu lui-même, en Jésus-Christ, s’est mis en chemin. Il donne son Esprit aux siens pour qu’ils marchent selon cet Esprit. Renier cette vocation, c’est marcher, selon le mot de Paul,  « selon la chair », c’est-à-dire préoccupé de soi-même seulement et de tout ce que l’on peut accaparer pour soi. C’est la raison profonde des divisions entre chrétiens : cette mentalité « selon la chair » s’est infiltrée dans les Églises.

Mais le mouvement œcuménique, lui, est un fruit de l’Esprit, a poursuivi le pape : il nous a mis en route selon l’Esprit de Jésus. N’est-ce pas pour autant un effort vain, s’est-il interrogé, puisque dans l’œcuménisme, on ne défend plus les intérêts de la communauté dont on a la charge ? Oui, d’une certaine manière, l’œcuménisme est « en pure perte », mais au sens de la perte évangélique à laquelle Christ appelle : qui veut sauver sa vie la perd et qui la perd la voit sauvée. « Sauver ce qui nous est propre, a-t-il martelé, c’est marcher selon la chair ; se perdre en suivant Jésus, c’est marcher selon l’Esprit. »

Ce renversement l’a conduit vers sa conclusion : « Demandons à l’Esprit de revigorer notre pas. (…) Marcher ensemble, prier ensemble, travailler ensemble : voilà notre route principale ! (…) Marcher ensemble, pour nous chrétiens, n’est pas une stratégie pour faire davantage valoir notre poids, mais un acte d’obéissance envers le Seigneur et d’amour envers le monde ». Homélie simple, belle, enracinée bibliquement et, surtout, fortement évangélique.

Le discours de l’après-midi n’apporta pas de nouvelle fracassante. Mais celles et ceux qui l’écoutèrent, que le pape qualifia de « frères et sœurs réconciliés », furent frappés de son ton engagé et convaincu. Il lia étroitement souffle missionnaire et unité : évoquant la métaphore johannique de la vigne, il précisa : « nous ne porterons pas de fruit sans nous aider mutuellement à rester unis à Lui ». « Un moment beau et émouvant », selon les mots du pasteur Emmanuel Fuchs, président de l’Église protestante de Genève.

Laurent Schlumberger



jeudi 21 juin 2018

COE : apres l'Asie, L'Europe

Le comité central réuni (c) Laurent Schlumberger
Le comité central du Conseil œcuménique des Églises a décidé que la onzième et prochaine assemblée se réunira, en septembre 2021, à Karlsruhe (Allemagne).

Son thème sera en relation étroite avec 2 Corinthiens 5, 14 : « L’amour du Christ nous presse ». La référence à l’amour (« agapè ») et à son importance tant dans le mouvement œcuménique qu’au cœur d’un monde déchiré, le lien avec le ministère de réconciliation, central dans le développement dans lequel cette phrase est insérée, un certain sentiment d’urgence enfin, ont été des arguments forts pour privilégier cette option.

Mais le comité central n’a pas souhaité arrêter définitivement la formulation du thème. Il faut examiner la manière dont le verbe grec « sunechô », traduit ici par « presser », peut être rendu dans diverses langues ; c'est en effet un verbe peu fréquent dans les Écritures, aux significations paradoxales et qui, selon les traductions choisies, peut dérouter au premier abord. En outre, il faut prendre le temps de décliner ce thème dans différentes directions ou sous-thèmes. Du travail devra donc être mené avant d’aboutir à une formulation définitive, d’ici la fin de l’année.

Pour mémoire, et parce qu’ils indiquent des évolutions lentes dans l’histoire du mouvement du Conseil œcuménique des Églises et, plus largement, du mouvement œcuménique, voici les thèmes des dix premières assemblées du COE :
1948, Amsterdam : Désordre de l’homme et dessein de Dieu
1954, Evanston : Le Christ, espoir du monde
1961, New-Delhi : Jésus-Christ, lumière du monde
1968, Uppsala : Voici, je fais toutes choses nouvelles
1975, Nairobi : Jésus-Christ libère et unit
1983, Vancouver : Jésus-Christ, vie du monde
1991, Canberra : Viens, Esprit Saint, renouvelle toute la création !
1998, Harare : Tournons-nous vers Dieu dans la joie de l’espérance
2006, Porto Alegre : Transforme le monde, Dieu, dans ta grâce
2013, Busan : Dieu de la vie, conduis-nous vers la justice et la paix

Laurent Schlumberger




mercredi 20 juin 2018

Artisans de paix

(c) Laurent Schlumberger
Émotion et gravité au comité central du Conseil œcuménique des Églises: des représentants des Églises de Corée du Sud ET du Nord prennent la parole devant l'Assemblée. 
 
"Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu !"
 
Laurent Schlumberger, 
pasteur EPUdF
membre du Comité central du COE

mardi 19 juin 2018

" Dieu est-elle noire ? " et autres questions de représentations

(c) Albin Hillert/COE
Comment passe-t-on de près de 600 millions, le nombre de chrétiens des Églises réunies au sein du Conseil œcuménique des Églises (COE), à 150, le nombre de membres de l’instance de direction du COE, son comité central ? Certains des critères mis en œuvre semblent couler de source, d’autres sont plus discutables, tous nous font réfléchir à ce que signifie « représenter ».

Bien sûr, dans une organisation interconfessionnelle et mondiale, la répartition selon la tradition spirituelle (luthérienne, anglicane, orthodoxes des divers patriarcats, etc.) et la région du monde (Amérique latine, Proche-Orient, Asie, etc.) sont évidentes. À l’intérieur de ces régions géographiques, il est parfois tenu compte des aires historiques et culturelles ; pour prendre l’exemple de l’Europe : l’aire germanique, la Scandinavie, l’Europe latine, l’Europe centrale et orientale, la Russie, etc. 

En outre, puisque nous sommes en Église, il est important qu’un équilibre soit respecté entre laïcs et ministres ordonnés. La parité entre femmes et hommes est également recherchée. La taille des Églises n’est pas complètement ignorée.

Enfin, des critères beaucoup plus inhabituels pour nous français, mais très importants dans d’autres cultures, sont mis en œuvre : l’âge, l’appartenance à des peuples indigènes, le handicap, etc. 

On le voit, composer des instances sur la base de cette grille complexe relève au mieux de l’équilibre instable, au pire du casse-tête ! Mais surtout, s’agit-il d’une démarche légitime ? 

(c) Albin Hillert/COE
On a pu dire, d’une manière caricaturale, que, pour « faire carrière » au COE, il « valait mieux » être une femme noire et handicapée qu’un théologien mâle, blanc et occidental. Ce n’est pas complètement faux, et l’on pourrait évidemment discuter tel ou tel critère… ou en ajouter ! Mais c’est excessif et, surtout, quel autre mode de représentation imaginer ? La compétence ? Mais celles et ceux déjà en place coopteraient inévitablement leurs proches puisque, en début de mandat, chaque représentant d’Église à l’assemblée générale du COE ne connaît qu’un très petit nombre de pairs. Une campagne électorale ? Mais ce serait la porte ouverte à une compétition ridicule et aux lobbyings ouverts ou souterrains. Le tirage au sort ? Mais ce procédé, qui a pourtant ses lettres de noblesse dans la Grèce antique et dans la Bible même, aurait un caractère arbitraire donc largement inacceptable. Chaque méthode a ses effets pervers et la procédure actuelle, bien sûr perfectible, prête plutôt moins le flanc à la critique que d’autres.

Au fond, ces critères sont comme les contraintes que les poètes se donnent pour bousculer l’habitude et stimuler la créativité. Le résultat peut être de qualité variable, mais il oblige à s’interroger sur ce que c’est qu’être représenté et représentant. Comment nous représentons-nous les uns les autres ? 

Et au-delà, comment nous représentons-nous Dieu ? On connaît la blague du théologien conservateur qui, venant de mourir, monte directement au ciel, puis revient comme promis informer ses collègues sur l’au-delà. « Alors, comment est Dieu ? », s’impatient-ils ; et lui, pas encore remis de sa surprise : « elle est noire ». 

L’extraordinaire diversité que l’on rencontre au Conseil œcuménique des Églises, fruit de critères discutables dans le meilleur sens de ce terme, nous contraint à nous interroger sur nos représentations, les uns des autres, les uns par les autres et, ensemble, de Dieu. Elle les bouscule. Et ainsi, pour le meilleur, elle décape nos conceptions de l’Église et jusqu’à notre foi.

Laurent Schlumberger
théologien ordonné mâle européen, 
ni jeune, ni indigène, ni handicapé (ce qui fait beaucoup de défauts…)

lundi 18 juin 2018

COE : une session en 3D

 Le patriarche Bartholomée à Genève (c) Laurent Schlumberger
Le culte solennel du 70ème anniversaire du Conseil oecuménique des Églises (COE) a offert ce que l’œcuménisme au carré a de meilleur. Célébré dans la cathédrale (réformée) Saint-Pierre de Genève, ce dimanche 17 juin, il a tissé le psautier huguenot avec les tambours océaniens, les chœurs orthodoxes avec les lectures bibliques en arabe et en mandarin, les chœurs africains avec la prédication donnée par le patriarche Bartholomée de Constantinople.

Le plus souvent, « œcuménisme » signifie pour nous « interconfessionnel », voire, dans les faits, simple dialogue entre catholiques et protestants. C’est une vision très étroite. Car l’oikoumènè, c’est l’ensemble de la terre habitée. Et le coefficient international, à ampleur mondiale en ce qui concerne le COE, vient donc démultiplier, porter au carré, la dimension interconfessionnelle.

Ce culte, tout à la fois sobre (on est dans la cité de Calvin tout de même !) et très riche, a trouvé tout naturellement sa place au milieu de la réunion du Comité central, qui siège cette semaine à Genève. Cette session se trouve elle-même à mi-parcours de l’assemblée œcuménique de Busan et de la prochaine assemblée, qui se tiendra en 2021 ; le lieu de cette onzième assemblée sera décidé mercredi prochain.

Quittant parfois son texte, le patriarche a donné la prédication en français, non sans quelques pointes d’humour (« Le pasteur m’a proposé de prêcher depuis la chaire, mais pour un vieil homme comme moi, il est préférable de rester sur terre ! »). Partant d’Éphésiens 3, il a souligné l’impressionnant chemin parcouru par les Églises ensemble, depuis le milieu du XXème siècle, grâce au Conseil œcuménique. Le service de la réconciliation, de la paix, de la justice et de la solidarité a fait de grands pas, malgré les difficultés doctrinales et les crises sociales et géopolitiques qui n’ont pas manqué. Ce chemin doit se poursuivre : « en mots et en actes, de manières visible et invisible, le Conseil œcuménique des Églises doit, à travers son témoignage, proclamer Christ et Christ seul ». Et « nous savons que le mouvement qui vise à restaurer l’unité des chrétiens prend de nouvelles formes pour répondre aux nouvelles situations et pour faire avec les défis du monde d’aujourd’hui ». L’essentiel est donc devant nous. « Ne nous berçons pas d’illusions », faisons confiance au saint Esprit et portons le témoignage chrétien au cœur d’un monde qui est si fracturé, car « l’Église n’existe pas pour elle-même ».

Des représentants des organisations mondiales évangélique et pentecôtiste sont invités à cette session du Comité central du Conseil œcuménique des Églises. Et après la visite aujourd’hui du patriarche Bartholomée, primat orthodoxe, le Comité central accueillera jeudi le pape François. Plus qu’au carré, c’est un œcuménisme en 3D. 

Laurent Schlumberger,
pasteur de l’EPUdF,
membre du comité central du COE 

vendredi 8 juin 2018

Une belle assemblée

(c) Albin Hillert/CEC
Après Lyon et Budapest, Novi Sad était ma troisième assemblée générale de la KEK. Et pour tout vous avouer, c'est celle que j'ai le mieux vécue !

Lyon avait vu surgir un conflit entre deux visions de la KEK et donc une bataille rangée entre deux clans, sur fond de difficultés relationnelles entre les différentes implantations de la KEK (Genève, Bruxelles et Strasbourg à l'époque) ; Budapest avait travaillé sur une nouvelle constitution, c'était donc une assemblée très technique, où l'on parlait peu de stratégie, beaucoup de règlement et d'organisation et où les deux visions avaient continué à s'opposer en arrière-plan de ces considérations techniques. L'ambiance était tendue, le programme surchargé, le découragement souvent à tapi dans l'ombre, prêt à nous sauter dessus... 

(c) Albin Hillert/CEC
En comparaison, Novi Sad a été une assemblée fraternelle, qui allait de l'avant et qui a dégagé un avenir. Certes, tout n'est pas réglé et il reste à la KEK de changer de culture - et de méthodes de travail - après avoir changé de constitution, mais le virage est désormais irrémédiable et les deux visions en conflit ne sont plus opposées mais pointent désormais dans la même direction. 

Pour faire simple, ces deux visions étaient : 
- d'un côté, voir la KEK comme un service des Églises dont le rôle est de les représenter auprès des institutions européennes (de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe)
-  de l'autre, voir la KEK comme une communauté d’Églises agissant dans l'espace européen. 

Après neuf années passées à réfléchir, douter - souvent - et chercher la meilleure solution, après de nombreuses difficultés financières et un gros renouvellement du personnel, une tendance se dessine : on ne peut plus opposer l'aspect service et l'aspect communautaire. 

(c) Albin Hillert/CEC
En effet, la valeur ajoutée de la KEK auprès des institutions européennes n'est pas son expertise sur tel ou tel sujet mais le fait qu'elle représente de nombreuses Églises de traditions, de cultures et de soubassements théologico-politiques différents. La parole de la KEK est une parole forte parce qu'elle est une parole commune, un témoignage commun qui a su se tisser de ces approches et cultures différentes. Elle est une parole forte parce qu'elle représente de nombreuses personnes (souvent) engagées et constructives sur le terrain. Cette parole ne peut être formulée que dans la rencontre entre représentants d’Églises, elle a donc besoin d'espace de rencontres, de consultations, d'élaboration collective. La parole de la KEK n'est forte que si elle vient des Églises et non pas des employés de la KEK, même experts dans leur domaine. L’équipe de la KEK doit donc travailler plus dans la concertation, la consultation des Églises, organiser plus de rencontres, de groupes de travail, etc. et mettre au centre la dimension spirituelle de la KEK, qui représente sa valeur ajoutée (et non l'aspect politique). 

(c) Mladen Trkulja/CEC
D'un autre côté, la dimension "Communauté d’Églises" de la KEK a besoin de l'expertise de l'équipe de la KEK pour assurer une forme de "veille", discerner les sujets et les débats qui vont surgir dans les institutions européennes et interpeller les Églises pour qu'elles s'en saisissent à temps. Les Églises ont besoin de l'expertise de la KEK non pas pour les représenter - même si c'est souvent la façon la plus efficace de faire, mais ça ne doit pas être la seule -  mais pour les interpeller et les amener à réfléchir et à s'engager sur tel ou tel sujet abordé par les institutions européennes. Et si nous nous décidions par exemple à aborder sérieusement en Église la question de "comment être ouvriers de paix en Europe ?" (la paix est l'un des thèmes abordés dans le document sur les questions d'actualités) ou celle de "quelle agriculture et quel rapport à la terre pour demain ?" (la sauvegarde de la création est un autre thème phare en ce moment).

L'étape suivante sera d'assurer la pérennité financière de la KEK pour lui permettre de pouvoir assumer pleinement les missions que les Églises membres lui assignent. Car organiser des consultations et des rencontres entre représentants d’Églises demande du temps et du personnel bien formé à l'animation et à l'interculturel... 

En attendant de voir ces changements se réaliser, une éclaircie a percé les nuages ! 

Claire Sixt Gateuille

mardi 5 juin 2018

Respecter les droits humains, y compris à l'assemblée

(c) Mladen Trkulja/CEC
La défense des droits humains est un thème cher à la KEK, le sujet de l’assemblée le reprend sous la forme « justice, hospitalité, témoignage » et les débats ont tous concernés d’une manière ou d’une autre la dignité, l’intégrité et le respect de l’individu. 

Très concrètement, la KEK a adressé à tous les participants un document invitant à dénoncer immédiatement tout comportement et parole déplacés, elle a aussi mis en place pour ses assemblées une équipe d’écoute pastorale pour que toute forme de violence ne reste pas enfouie en soi pour celle ou celui qui la subit. Ce dispositif peut paraître étrange dans une telle assemblée, ces attitudes ne devraient pas exister dans nos milieux ecclésiaux. 

Même justifiés, nous sommes pécheurs, alors mieux vaut être lucides et se donner les moyens de dénoncer ces comportements violents et créer les conditions d’écoute et d’accompagnement pour les victimes. C’est la responsabilité de chacun et ce que nous pouvons attendre de nos institutions. 

Anne-Laure Danet

Dans l'ombre des cabines

Trois des quatre interprètes (c) CSG
Dans nos oreilles, les douces voix de Christine Mear et Evelyne Tatu ! Durant les séances plénières, qui ont été nombreuses, se relayant, elles nous ont traduit l’anglais et l’allemand aux divers accents. Leur rôle est réellement important, grâce à elles nous comprenons au plus juste les interventions, les messages et les annonces pour la journée pour que nous puissions au mieux nous façonner un point de vu. Elles rendent possible et réalisent une part de la diversité de la CEC.

Un grand merci pour leur clarté, et leur dévouement.

Emmanuelle Brulin 

La délégation française

La délégation française, heureuse, autour du nouveau président de la KEK, Christian Krieger ! 

Photo : Albin Hillert/CEC

lundi 4 juin 2018

Une ambiance étrange de tension électorale

Instrument méditatif, pour faire baisser la pression ? (c) A.Hillert/CEC
C'est la première fois qu'une Assemblée de la KEK élit son président et ses vice-présidents au suffrage direct. Avant le changement de constitution, l'Assemblée élisait un comité central (puis directeur) qui élisait lui-même ses présidents et vice-présidents (qui étaient souvent discernés en amont par leur propre famille confessionnelle...). Mais cette fois-ci, le suffrage est direct. Aussi y a-t-il eu présentation des deux candidats vendredi avec un petit discours de cinq minutes, et aujourd'hui une sorte de discours alterné pour répondre aux questions des jeunes. La tension a commencé à monter. 

Un cran a été franchi lorsque les arguments pour l'un puis l'autre ont commencé à être présentés. Après deux interventions (un en faveur de chaque), une déléguée allemande a demandé à ce que ceux dont on parle sortent de la salle, comme cela ce fait dans nos Églises lorsque l'on parle d'une personne, ce qui a été accepté. Les deux candidats sont sortis en se tenant par l'épaule, sous les applaudissements de la salle - un moyen de tenter de faire baisser la pression.

(c) Mladen Trkulja/CEC
Le délégué suivant a demandé le huis-clos (seuls les délégués participent à la séance), ce qui a été voté par une majorité de délégués. J'ai dû sortir à ce moment-là... Ce qui me permet d'être dans l'attente, mais que la pression ait baissé pour moi. Les autres, les délégués, eux, sont encore dans la cocotte-minute...

Une élection en plénière avec plus de 300 personnes, ou même avec 100 et quelque votants, peut être assez violent, en particulier quand on connaît si peu les candidats. Certains diront que c'est le jeu qui veut ça. 

Même si notre système - de faire discerner quelqu'un par le conseil sortant qui est (en général) élu par le conseil conseil entrant - a ses défauts, je trouve la formule bien moins dure à vivre. Le Saint-Esprit sait ce qu'il fait, et j'espère - je crois - que nous savons l'écouter assez pour que les choses puissent se faire ainsi sans cet exercice de rapport de force public qui peut blesser le perdant...

Claire Sixt Gateuille

Faisons un petit jeu : Qui est qui??


Voici la photo de plusieurs personnes rencontrées au cours de l'assemblée générale de la KEK. Elle sont issues de différentes confessions, traditions et nationalités. Saurez-vous les reconnaitre ?
VOICI LES REPONSES !!

 Apôtre des Enfants des Séraphim

évêques de l'église apostolique arménienne


pasteur UEPAL

Archevêque anglican

Stewards

personnes en tenue traditionnelle serbe

Métropolite de Serbie (orthodoxe)

évêque méthodiste

évêque catholique chrétien (vieux catholique)

pasteure luthérienne (Finlande)

évêque anglican

pasteure luthérienne (Islande)

brochette de pasteurs protestants

pasteure luthérienne (Suède)

moine syriaque   Photos : Albin Hillert/CEC

































La KEK est-elle écolo ?


La Conférence des Eglises Européennes est-elle écolo? En arrivant, j'ai tout observé... Tout d'abord, nous avons tous reçu dans notre sac en tissu, une gourde individuelle qui permet à chacun de s'hydrater tout au long des débats en la remplissant grâce à de grandes bombonnes d'eau ou simplement au robinet. Donc, nous n'utilisons aucun couvert en plastique ou en carton. Les délégués peuvent aussi décider l'option "paperless", afin de lire les textes des interventions sur internet, sans les imprimer. Le tri sélectif est aussi mis en place. Quand au thème de l'écologie, il a tenu une place importante lors de l'assemblée des jeunes. Les stewards vont notamment proposer l'idée que la prochaine assemblée générale soit végétarienne ! 

Mais ce qui m'a le plus marquée à la KEK concernant cette question est la présence des représentants de l'ECEN (European Christian Environnement Network - Réseau européen chrétien pour l'environnement).

J'ai participé à un workshop animé par certains de ses membres lors de la journée consacrée au thème de l'hospitalité. Nous avons abordé ce jour là, la question de l'engagement de nos églises pour l'accueil des réfugiés. Nous savons aujourd'hui que les problèmes climatiques obligent et obligeront dans les années à venir des dizaines de milliers de personnes à quitter leur terre devenue inhabitable.

A l'EPUdF, le mouvement "Eglise verte" commence à se développer lentement mais surement, et cela est très réjouissant. J'ai découvert ici qu'il était possible, grâce à l'ECEN, d'unir nos forces aux autres églises chrétiennes européennes! Et cela est urgent. Participer à ce réseau est une excellente manière d'allier oecuménisme européen et action écologique ! 

La prochaine assemblée générale de l'ECEN aura lieu du 6 au 10 octobre 2018 à Katowice en Pologne, ville où se tiendra la COP 24 deux mois plus tard ! Cette AG est ouverte à tous, alors n'hésitez pas !

Vous pouvez en tous cas dès à présent aller jeter un coup d'oeil au site web : http://www.ecen.org et aimer la page facebook: https://www.facebook.com/ecen.org










Table ronde sur l'ECEN


Photos : Albin Hillert/CEC 

L'Europe, c'est nous

Petra Bosse-Huber (c) Albin Hillert/CEC
Dimanche après-midi, Petra Bosse-Huber, évêque de l’Église protestante allemande, nous a encouragé à parler de l'Europe en Église. Il est important, dit-elle, de ne pas laisser la question de l'Europe aux politiques mais nous devons donner la possibilité que chacun puisse s'en saisir. Elle nous a invité à le faire dans nos paroisses, nous rappelant que l'Europe, ce n'est pas seulement une institution, des organes administratifs. Mais c'est avant tout un projet de réconciliation.

Aujourd'hui, il nous faut ré-investir cet aspect de l'Europe, cette mémoire, pour pouvoir changer ce qui ne fonctionne plus, là où l'Europe faiblit, là où elle faillit. Il s'agit de s'approprier l'idée de maison commune, comme le dit le Métropolite Emmanuel de France.

Petra Bosse-Huber nous a rappelé que l'Europe, c'est nous !

Emmanuelle Brulin

Pèlerinage pour la paix

(c) Albin Hillert/CEC
Dans quelques mois nous commémorerons, et même célèbrerons, la fin de la première guerre mondiale. Si la guerre se déclare, la paix elle doit se construire et chaque génération doit s’en faire l’artisan. En ce dimanche, avec les participants de la Conférence des Églises Européennes, nous avons voulu prendre notre part, symboliquement, par un « pèlerinage pour la paix ». Nous, baptistes ou évangéliques, ne sommes pas très habitués à ce mode de témoignage, à ce qui ressemble à une procession ! Mais la KEK, c’est aussi partager la spiritualité des autres chrétiens et être enrichi de leur manière de témoigner. Nous voilà donc, centaines de participants à l'Assemblée, en train de marcher ensemble le long du Danube en chantant des hymnes évoquant la paix, en priant pour celles et ceux qui aujourd’hui souffrent de la guerre. Nos prières montent ensemble pour nos frères et sœurs chrétiens mais plus largement nos frères et sœurs en humanité, particulièrement en Syrie ou en Ukraine. Nous marchons le long de ce fleuve qui traverse notre Europe, qui traverse les siècles. Nous voyons les ponts qui ont été ravagés, d’autres reconstruits. Et là je sens cette force, la force de l’espoir partagé !
 
(c) Albin Hillert/CEC
A la Conférence des Églises européennes, une immense diversité du christianisme est réunie, ceux qui nous sont familiers en France comme les réformés, les luthériens, les méthodistes et baptistes, les orthodoxes, les anglicans ou l’armée du salut mais aussi ceux que nous connaissons moins comme les vieux catholiques. Et tous ensemble, nous proclamons dans cette marche notre attachement à la paix, notre confiance en Dieu. Cela me rappelle d’autres marches, elles aussi non violentes, collectives de croyants, il y 50 ans aux Etats-Unis pour lutter contre la ségrégation raciale, autour du pasteur baptiste Martin Luther King. Notre contribution à la construction européenne en tant que chrétiens, en tant que représentants d’Eglises réunies dans cette assemblée de la CEC, c’est de rappeler qu’il y a plus que notre nationalité, il y a plus que nos peurs individuelles, nos besoins particuliers : il y a l’Eglise, celle qui dépasse mon étiquette confessionnelle, l’Eglise de notre Seigneur Jésus-Christ et qu’ensemble nous voulons être témoins d’espérance dans ce monde, artisans de paix.



Valérie Duval-Poujol

dimanche 3 juin 2018

Des surprises

(c) Albin Hillert/CEC
Ce genre d'Assemblée réserve toujours des surprises. Elles sont parfois bonnes, parfois moins bonnes. En voici un petit florilège : 
 
Il y a la surprise de découvrir que son bagage n'a pas pris l'avion en même temps que soi... C'est arrivé à l'une d'entre nous.

Il y a la surprise de retrouver tellement d'amis et de gens que je connaîs que j'ai l'impression de faire désormais partie des "dinosaures" de la KEK (ce n'est pas le cas de nos délégués dont la plupart découvrent la KEK). 

Il y a la surprise de découvrir qu'on nous demande de faire partie d'un comité qui va travailler nuit et jour pour proposer une liste pour le comité directeur la plus équilibrée possible (le comité des nominations) ou d'un autre (les "keynote listeners", intraduisible en français) qui doit être la "caisse de résonance" de l'assemblée, faire remonter à ceux chargés d'établir une stratégie pour les 5 ans à venir ce qui ressort des plénières, des discussions entre participants, des ateliers de travail, etc. C'est arrivé à deux d'entre nous.

Il y a la surprise d'entendre un évêque orthodoxe tout à fait respectable faire une blague très, très, très douteuse à Emmanuelle sur son prénom et le film auquel il renvoie...(les moins de 25 ans n'ont pas compris la référence). 

Claire Oberkampf joue durant le service anglican (c)CSG
Il y a la surprise d'être surprise d'entendre d'autres personnes dire le Notre Père en Français à côté de moi lors d'un temps de prière (d'un autre côté, ce n'était pas étonnant puisque j'étais assise entre Claire et Emmanuelle...).

Il y a la surprise d'entendre l'archevêque de Cantorbery Justin Welby demander aux femmes évêques de l'assemblée de l'excuser si tous les célébrants du service anglican sont des hommes.

Il y a la surprise de finir la célébration assez tôt pour pouvoir aller trois-quarts d'heure à la piscine dimanche avant de manger. Yes !

Claire Sixt Gateuille

samedi 2 juin 2018

Surmonter les inégalités : des conversions nécessaires

Atelier de travail sur les inégalités (c) Albin Hillert/CEC
J’ai participé cet après-midi au groupe sur les inégalités qui faisait écho à l’intervention du matin de Lisa Schneider, juriste, qui  a mis en avant l’impératif équilibre à trouver entre diaconie et plaidoyer politique contre les injustices. Les situations sont complexes et ce qui est injuste n’est pas forcément ce qui est ressenti comme injuste. Il est donc nécessaire de ne pas se contenter des symptômes mais de rechercher les causes. Est-il juste par exemple d’aider les personnes démunies ?

J’ai été très intéressée par les témoignages notamment celui d’un participant islandais qui a expliqué l’impact de la crise en Islande sur la population (chômage, perte de sa maison, etc.) mais en même temps cette situation a été l’occasion de développer une réelle solidarité. Les Églises se sont engagées aussi dans cette voie mais n’ont pas voulu « se contenter » de distribuer des sandwichs.

(c) Mladen Trkulja/CEC
Donner à manger à celles et ceux qui sont dans le besoin ne les aide pas à prendre leur destin en main et les maintient dans leur état de pauvreté. Les Églises ont alors distribué des cartes de crédit avec un plafond et des limites (pas d’alcool par exemple). Les jeunes se sont engagés dans cette démarche d’entraide et du coup se sont impliqués plus fortement dans les Églises. 

Renouveler sa compréhension de l’entraide, trouver des solutions qui permettent de rendre aux plus démunis leur dignité et de décider pour eux-mêmes, c’est le virage qu’ont pris les Églises en Islande … une « metanoïa » donc, un changement de direction. L’Évangile ne laisse pas immobile et transforme même nos meilleures intentions.

Les témoignages sont toujours des sources de réflexion et d’inspiration…

Anne-Laure Danet

Dedans ou dehors ? et quelle place pour les marges ?


Sors !
Pour cette journée placée sous le thème de la Justice, Mme la pasteure Elaine Neuenfeldt, de la Fédération luthérienne mondiale, nous a proposé une lecture et une approche du texte de 1 Rois 21, du récit de la vigne de Naboth, en partant du contexte vécu mis en dialogue avec le contexte biblique.
Avant de conclure par une prière, Elaine Neuenfeldt, a posé différentes questions auxquelles nous sommes confrontés notamment sur le partage des richesses, l’accès aux énergies vertes par tous ce qui est loin d’être évident, sur la possibilité d’être une communauté prophétique de témoins par des signes d’espérance dans une société traversée par des conflits, des divisions.

Voici la prière conclusive de son intervention : 
"Sors !
Sors vite !
Ne cesses pas de sortir de ton église !
Quitte la paix et la tranquillité, pour le bruit et l’inconfort.
Va vers les rires et les pleurs.
Apporte avec toi le pain de vie comme un trésor, porte-le au creux de tes mains et dans ton cœur.
Partage-le, encore et encore.
Il y en aura toujours assez, aussi longtemps que tu continueras à le rompre." 
(écrite par Hans Olav Moerk, de Norvège, traduite en Français par Emmanuelle Brulin et Claire Sixt-Gateuille)

In and out
Lisa Schneider, lors de sa conférence sur la justice, nous a fait remarqué que, dans l’Assemblée de la CEC, nous étions quasiment tous issus de l’université ou avions même des carrières universitaires. Pour ma part, c’est une vraie question. Alors que nous nous posons la question de la montée du populisme, ici même, nous sommes une assemblée d’« experts ». Bien sûr nous avons besoin de lieux pour se retrouver, mais est-ce que la pensée revient à eux seuls ? et pouvons-nous représenter nos Églises ainsi ? Est-ce que ce n’est pas justement cela qui nourrit le populisme, cet « entre-soi » ?

L’intervention de Lisa Schneider nous a questionné sur la place des jeunes et nous devons de même nous poser la question de nos catégories socio-professionnelles. Nous devons entendre, pouvons-nous les entendre ?

Emmanuelle Brulin