Il y a un mois, je revenais de Namibie, où j'avais prié, discuté, mangé, pleuré et rit avec 800 autres personnes venues à Windhoek pour l'assemblée générale de la Fédération luthérienne mondiale. Un mois après, voici le bilan que j'en tire :
Une Communion universelle
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Ce fut une belle assemblée ! Marquante par l’expérience de la diversité : diversité des costumes, des langues, des points de vue et des préoccupations. Marquante aussi par l’Esprit de communion : un esprit fraternel entre les participants (on retrouve cela dans d’autres assemblées), un vrai respect mutuel dans le traitement des tensions entre Églises (le secrétaire général y est très attentif), mais aussi une communion partagée au repas du Seigneur, ce qui est une grande différence avec les assemblées du COE par exemple. Je dois avouer que pour moi, cela a fait partie des temps les plus forts de l’assemblée. Marquante enfin par l'occasion offerte de fêter les 500 ans de la Réforme, partie de Wittenberg (ou en tout cas d'Europe) et présente désormais dans le monde entier.
Une institution solide, mais avec des fragilités
La Fédération luthérienne mondiale est connue et reconnue pour la qualité de son travail et la force de son réseau. Aussi n’a-t-elle pas de mal à trouver des financements, ecclésiaux comme publics, en particulier pour son département « World Service », qui s’occupe de l’action humanitaire de la FLM (aide d’urgence et développement). Cela s’est vu en particulier par le doublement de son budget sur les 7 dernières années. Mais l’augmentation de ces rentrées d’argent entraine ce que j’analyse comme une hypertrophie du « World Service » dans l’organisation générale de la FLM, passant de 84% en 2010 à 93% en 2016 du budget total.
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Cela pose question tout d’abord en termes de stratégie : la FLM est-elle en train de devenir une ONG confessionnelle ? Pour l’instant, l’attention à la communion entre Églises, à la théologie, à l’accompagnement des Églises membres est une priorité du secrétaire général et du nouveau président (comme de l'ancien), ce qui permet de ne pas trop sentir cette hypertrophie dans la vie de la FLM, mais il ne faudrait pas qu’un prochain secrétaire général ait un profil plus de « gestionnaire », sinon le déséquilibre risque de se faire sentir rapidement…
Cela
pose également la question de la pérennité de ces recettes : 44% des recettes de la FLM viennent de l’ONU et de l’aide au développement de quelques pays (nordiques, Allemagne). Avec la sécularisation de ces pays, jusqu'à quand ces populations civiles accepteront-elles que leur aide au développement passe par des organisations confessionnelles ? Et une bonne partie du reste vient des Églises de ces pays, financées par l’impôt. Avec la baisse de la pratique religieuse, il faut s’attendre à terme à une baisse de cette source de revenus. Cela se traduit déjà sur le budget du Département Mission et Développement, celui qui soutient la formation, la bonne gouvernance et la participation de tous dans les Églises, dont le budget évolue à la baisse constamment depuis 2011…
Une belle profondeur théologique, mais quelques questionnements
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Le choix d’avoir un département « Théologie et témoignage public » – complémentaire de l’Institut œcuménique de Strasbourg qui s’occupe, lui, de recherche théologique et œcuménique - me semble être une grande force de la FLM, pour toujours remettre au cœur de son action ses convictions théologiques et pour toujours articuler ses actions de plaidoyer au message de l’Évangile, tout en travaillant aussi l’esprit de communion entre Églises membres. C’est justement au nom de l’Évangile que la FLM est présente sur le terrain, et non au nom d’un humanisme diffus. Cela a été réaffirmé par le secrétaire général, Martin Junge, dans son message. Il a en particulier souligné le travail sur l’Église dans l’Espace public, le travail d’herméneutique biblique mené en commun , mais aussi le « processus d’Emmaüs » invitant les Églises à cheminer ensemble sur la question de l’homosexualité.
J’ai parfois été un peu surprise, voire agacée par l’articulation entre salut par grâce et vocation humanitaire qui était parfois faite par certains intervenants comme si elle était automatique : Je suis libéré et sauvé par grâce… pour aller sauver, physiquement, d’autres humains. Une jeune intervenante est d’ailleurs venue questionner cette articulation en demandant : vous dites qu’on ne peut vendre ni acheter le salut, mais pouvez-vous « l’apporter » aux autres ? Quelqu’un d’autre soulignait tout ce qui avait été fait au nom de ce salut, apporté gratuitement mais au prix de la dévalorisation de la culture d’origine des peuples à qui les missionnaires s’adressaient.
Une politique de représentativité assumée
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Un autre point saillant de l’assemblée a été la stratégie très proactive de la FLM pour mettre en avant la participation des groupes à qui on donne traditionnellement moins la possibilité de s’exprimer dans les sociétés comme, parfois, dans les Églises : les jeunes, les femmes, les minorités, les personnes handicapées… Elle est également attentive à la représentativité géographique, l’équilibre Églises minoritaires/majoritaires, etc. Contrairement au Conseil œcuménique des Églises, où cette stratégie est parfois critiquée ouvertement, elle semble tout à fait intégrée comme une règle inhérente à la FLM, y compris par rapport aux quotas qu’elle établit dans la composition des différentes instances.
Sur le terrain, des défis
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Cette assemblée a été une occasion de prendre le « pouls de la planète » : mouvements migratoires, changements climatiques, violences faites aux femmes, explosion des inégalités, etc. Trois points ont été particulièrement mis en avant : les inégalités sont de plus en plus cruelles, en particulier pour les groupes déjà vulnérables (femmes, enfants, personnes handicapées et âgées, minorités) ; chômage de masse et précarité touchent désormais les jeunes y compris dans les pays dits développés, ce qui hypothèque leur avenir et donc celui de ces pays ; les droits les plus élémentaires des migrants, quel que soit la cause de leur déplacement, sont de plus en plus remis en cause. Face à ce dernier constat, la FLM réaffirme que « les réfugiés peuvent perdre bien des choses dans leur fuite, mais ils ne perdent jamais leurs droits humains ».
Pour conclure, je dirais que la Fédération luthérienne mondiale a donné durant cette assemblée l’image d’une belle communion et d’une organisation qui fait un travail de qualité, reconnu et apprécié, solidement ancré dans un réseau de coopérations avec d’autres, qui prend soin de la communion entre ses Églises membres et a une vraie profondeur dans sa réflexion théologique. Mais se dessinait aussi à l’horizon l’image d’une organisation qui risque de basculer dans une fuite en avant trompeuse si elle continue à laisser se développer de façon déséquilibrée son département chargé de l’humanitaire sans chercher à développer aussi le travail – et la recherche de fonds – de ses autres départements.
Claire Sixt Gateuille
Et bien voilà un commentaire très complet / merci Claire
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