Pour l'assemblée de la KEK
Du 31 mai au 6 juin se tiendra l'assemble générale de la Conférence des Églises européennes (KEK), à Novi Sad, en Serbie. Une dizaine de français y assisteront, comme délégués de leur Église (Union des Églises protestantes d'Alsace-Lorraine, Église
protestante unie de France, Fédération des Églises baptistes de
France ou Église protestante malgache en France), conseillère de délégation ou chargé de la communication.
Un peu d'histoire
La Conférence des Églises européennes a été créée en 1959 pour être un pont entre les Églises d'Europe de l'Est et d'Europe de l'Ouest, séparées par le Rideau de Fer. Elle a même tenu plusieurs assemblées sur un bateau, dans les eaux internationales, pour permettre aux délégués des deux mondes de s'y retrouver. Après la chute du mur, elle a continué à travailler dans deux domaines : le dialogue entre Églises et la construction européenne. En 1999, la KEK a "absorbé" la "Commission Église et société" (European Commission on Church and Society, EEECS) qui était chargée par les Églises de l'Ouest de dialoguer avec les institutions européennes. Depuis 2009, la KEK s'est également rapprochée de la Commission des Églises auprès des migrants en Europe, avec laquelle elle travaille en étroite collaboration.
Elle est aujourd'hui composée de 115 Églises de différentes confessions chrétiennes : orthodoxe, anglicane, luthérienne, réformée, unie, évangélique, vaudoise, hussite, catholique chrétienne (appelée aussi "vieille-catholique"). Son secrétaire général actuel est le Père Heikki Huttunen, de l’Église orthodoxe de Finlande.
De 2013 à 2018
Assemblée de 2013 à Budapest |
La dernière assemblée, en 2013 à Budapest, avait été très administrative, accouchant avec peine d'une nouvelle constitution et de la décision de déménager les bureaux principaux de Genève à Bruxelles (où des bureaux existaient déjà dans le cadre du dialogue de la KEK avec les institutions de l'Union européenne). Comme tous les déménagements institutionnels, celui-ci a entrainé turn-over du personnel et besoin de temps pour s'adapter à la nouvelle organisation. Aussi la dimension de travail avec des institutions européennes, qui imposent leur agenda, a-t-elle pris le dessus sur la dimension de communauté d'Églises, qui doit être animée de l'intérieur. La vacance du poste de responsable du dialogue théologique jusqu'en octobre 2016 n'a pas aidé les Églises à se saisir de cette "plateforme de collaboration entre Eglises" qu'est la KEK selon la nouvelle constitution. Ainsi, il me semble que la Conférence des Églises européennes s'est concentrée les cinq dernières années sur les trois thèmes majeurs qui sont des thèmes majeurs pour l'Europe :
- Europe sociale (inégalités, chômage des jeunes, travail du dimanche, bioéthique, etc.)
- migrations
- mondialisation et besoin de gouvernance mondiale
Malheureusement, elle a un peu délaissé l'aspect "communauté d’Églises", ne consacrant pas assez d'énergie à informer ses membres, à leur présenter les grands enjeux du moment, à les appeler à participer. A mon avis, il y a en particulier un gros enjeu dans le dialogue entre certaines Églises de l'Est qui blâment les Églises de l'Ouest, les accusant par exemple d'avoir abandonné leurs fondamentaux en laissant l'esprit rationnel et l'individualisme tout envahir depuis le siècle des Lumières, et ces dernières qui ne comprennent pas l'attitude conservatrice des premières (leur volonté de maintenir des États "chrétiens", leur affirmation d'identités collectives qui s'opposeraient à des droits individuels, etc.). Il y aurait un gros travail théologique, culturel et politique à faire pour ne pas se contenter de la caricature d'une opposition radicale "orthodoxes de l'Est" contre "protestants de l'Ouest"... Dépasser cette caricature pourrait nous aider également à réfléchir ensemble au témoignage des Églises dans les pays sécularisés.
Père Heikki Huttunen, actuel secrétaire général de la KEK |
Comment nous saisir de cette "plateforme" ?
Si l'on veut faire un rapide bilan des 5 dernières années et de la nouvelle constitution, je dirais que la KEK fait bien ce qu'elle sait bien faire : le dialogue avec les institutions européennes (de l'Union européenne d'un côté, du Conseil de l'Europe de l'autre). Mais son nouveau statut de "plateforme de collaboration entre Églises" fait qu'il est difficile pour les Églises minoritaires comme la nôtre de s'y investir ; lorsque nous voulons travailler un sujet avec des Églises-sœurs, nous le faisons plus facilement à une échelle plus réduite, comme celle de la CEPPLE (la communauté des Églises protestantes des pays latins d'Europe), avec des Églises qui partagent les mêmes préoccupations que nous.
Nous nous sentons trop peu nombreux pour prétendre sérieusement faire pencher la balance dans la construction européenne, aussi déléguons-nous (peut-être à tort) cela à la KEK, qui fonctionne alors comme un réseau d'experts, et/ou aux "grosses" Églises majoritaires qui ont moyens financiers et humains pour s'y investir et dont le poids dans la société leur donne légitimité pour le faire... et qui du coup utilisent cette plateforme pour coordonner leurs actions et parler - lorsqu'elles y arrivent - d'une voix commune sur certains sujets. Il est clair que lorsque la diversité des Églises qui composent la KEK arrive à parler d'une voix commune, cela rend son témoignage plus fort et plus audible, même si cela prend plus de temps !
Mes attentes
Je connais bien la KEK, j'ai été membre de ce qui s'appelait alors le "comité central" de 2009 à 2013. J'attends de cette assemblée qu'elle me donne l'occasion de retrouver des connaissances et des amis. Car comme toute institution, la KEK est d'abord un réseau de personnes...
J'attends ensuite de cette assemblée qu'elle me permette de prier dans de multiples langues, selon de multiples traditions, avec de merveilleux chants qui me resteront longtemps dans la tête (tiens, ça me donne envie de ressortir le carnet de chants de 2013...)
J'attends enfin de cette assemblée qu'elle me redonne envie d'envoyer des personnes s'investir à la KEK, et pas seulement lui déléguer notre parole d’Église dans la construction européenne. J'attends de cette assemblée qu'elle m'aide enfin à voir quelle pourrait être la place de notre Église dans cette communauté...
Pasteure Claire Sixt-Gateuille,
responsable des relations internationales de l’Église protestante uniede France,
conseillère de délégation à l'Assemblée de la KEK
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